Hanashi

Omori, une merveille du jeu indépendant

Très bientôt, le jeu vidéo Omori débarquera enfin en version française dans nos contrées, en support physique sur Switch et PS4. Véritable carton public et critique au Japon comme partout dans le monde depuis sa sortie mondiale fin 20201, le jeu ne bénéficie toujours pas d’une version française officielle, bridant dès lors son succès dans notre pays.

J’ai à cœur de vous présenter Omori à travers ce modeste article, car ce titre m’a particulièrement ébranlé du à son expérience de jeu proposée, insidieuse et éprouvante, laissant de profondes traces les jours suivants sa résolution. Mais pour vivre cette aventure la plus intensément possible, il est impératif de lancer une partie sans savoir à quelle sauce nous serons mangés. Cet article a donc pour objectif de vous présenter le jeu sans aucun spoiler.

Avant d’aller plus loin, un avertissement s’impose : Omori est un jeu dur, qui aborde sans fard des thématiques qui le sont tout autant. Assurez-vous d’être prêts à y faire face avant de vous lancer.

Les protagonistes de gauche à droite : Omori, Aubrey, Kel, Hero, Mari, et Basil.

Omori est un jeu indépendant imaginé par l’artiste Omocat, développé sur RPG Maker, et sorti en 2020 après 6 années de développement. Malgré un kickstarter2 réussi en 2014, sa conception fut marquée par de nombreuses difficultés comme des soucis techniques liés au moteur de RPG Maker, ou une charge de travail largement sous-estimée pour restituer les ambitions narrative de sa conceptrice.

Durant plusieurs années, beaucoup considéraient ce projet comme escroquerie car Omocat ne dévoilait que très peu les avancée de la production. En réalité elle se coupait du monde pour perfectionner au maximum son bébé sans interférence, et proposer ainsi une expérience novatrice et complète, un jeu sans bug où toutes ses idées sont intégrées pour restituer ce qu’elle avait en tête lors qu’elle imaginait l’histoire quelques années auparavant3.
À une époque où les producteurs poussent les studios à sortir leurs produits avec une deadline très serrée, rognant sur la qualité et l’originalité, on ne peut que féliciter l’équipe derrière le projet d’avoir tenu bon tout ce temps pour nous offrir un véritable jeu d’auteur.

Concernant l’histoire, tout ce que vous avez à savoir c’est que vous contrôlez Omori, un petit garçon tout en noir et blanc s’amusant avec ses amis et sa sœur Mari dans un monde enfantin et fantaisiste. Un beau jour, le fragile Basil disparait subitement. La petite équipe décide donc de partir à sa recherche en s’aventurant dans des lieux aussi divers que les cieux, un château de princesse, où les abysses.

Avec RPG Maker comme moteur, Omori se présente sans surprise comme un jeu de rôle 2D vu de dessus, combats au tour par tour, menu avec gestion des capacités et des objets, villages où l’on rencontre tout un tas de personnages plus ou moins utiles à l’aventure, bref le package commun des jeux du genre. À la manière d’un Tales of, les ennemis à combattre sont visibles sur la map, à nous de décider de les affronter ou non.

Le système de combat est plus original car utilise les émotions à la manière d’un pierre-papier-ciseaux pour prendre l’ascendance sur son adversaire. Ainsi la colère bat la tristesse, la tristesse bat la joie, et la joie bat la colère. Chacune de ces capacités change notre force de frappe ou de défense. À nous de modifier l’état psychologique de nos petits personnages et celui des monstres pour remporter la victoire.

Le projet est initialement imaginé comme un Visual Novel. Omocat changea de direction en proposant un jeu-vidéo afin d’impliquer plus intimement le joueur dans l’histoire. On prend ainsi plaisir à parcourir ce monde construit comme un imaginaire d’enfant, chaque lieu se démarquant par des couleurs criardes, des PNJ au design rigolo, et des références à la pop-culture des années 90. Pour parfaire cet univers onirique, les personnages sont tous dessinées à main levée et coloriés au pastel, aussi bien dans les menus que durant les combats et les cinématiques.

Depuis sa conception, Omocat a une vision très claire de la direction artistique singulière qu’elle souhaite apporter à son bébé4, un univers chimérique tranchant nettement avec le concept : un RPG d’horreur psychologique.

Malheureusement, il n’est n’est pas possible de vous expliquer en quoi ce jeu fascine sans occulter les nombreuses surprises qui en regorgent. Comme je l’écrivais plus tôt, Omori est une expérience de jeu où le premier objectif pour le joueur est de comprendre le monde dans lequel il a mis les pieds, et ce à travers les yeux de son protagoniste Omori.

En restant très flou, Omori est un projet très personnel de sa créatrice Omocat, basé en partie sur des émotions vécues. À la manière d’un If On A Winter’s Night, Four Travelers5, le malaise s’installe naturellement au fur et à mesure que des événements nous amènent à nous questionner sur les tenants et aboutissants du destin de ces jeunes enfants. Une angoisse se fait de plus en plus palpable, entrecoupée par de nombreuses et longues séquences de jeu lumineuses et faussement futiles, désireuses de nous impliquer corps et âme dans ce parcours initiatique. C’est là que le piège se referme : un pont est définitivement créé avec notre propre personne, les thématiques abordées résonnent alors à notre réalité, s’investissant sournoisement pour mieux nous bouleverser lors de l’acte final d’une intensité rare, marquant durablement une fois l’épilogue à l’écran.

Un nombre conséquent de gamers ont témoigné d’une aventure inoubliable malgré les défauts intrinsèques du jeu comme le gameplay peu complexe ou un rythme imparfait. Faites leur confiance et tentez l’expérience vous aussi. Quant à moi, il m’a fallut plusieurs jours pour me remettre de mes bouleversements, faire la paix avec les personnages et repartir de l’avant.
Un véritable catharsis en somme.

1 – Le jeu s’est vendu a 1 million d’exemplaire à date du 31 décembre 2022.
2 – Le kickstarter a obtenu 200.000 dollars, soit 10 fois plus que le montant demandé initialement.
3 – Pour plus de détails sur la création du jeu, je vous recommande le thread de buccialix.
4 – Courte BD d’Omocat en couleur dévoilant dès 2013 l’ambiance psychédélique de son univers, que l’on retrouve dans le premier teaser.
5 – If On A Winter’s Night, Four Travelers est un jeu très angoissant, brillamment défendu par Victor sur ce blog.

Titre : Omori
Développement : Omocat LLC
Édition : Playism
Genres : Aventure, J-RPG, Horreur psychologique
Localisation : Textes en anglais ou français selon le support
Plateformes : macOS, Windows, Nintendo Switch, Xbox One, Playstation 4
Date de sortie : 25 décembre 2020

Dareen

Président du Collectif Hanashi.

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