Hanashi

Ranking of Kings — Le Voyage du héros

Depuis quelques années, les web­man­gas se suivent sans se res­sem­bler, et c’est bien là ce qui les rend inté­res­sants. Cer­tains d’entre eux sont même deve­nus des phé­no­mènes mon­diaux grâce à leurs adap­ta­tions ani­mées¹. Fin 2021, c’é­tait au tour de Ran­king of Kings, un conte émou­vant, bien­veillant et plus mature qu’il n’y paraît. Son style ori­gi­nal, ses per­son­nages atta­chants et la qua­li­té géné­rale de l’a­dap­ta­tion en ont fait un des plus gros suc­cès de la sai­son automne 2021.

Boj­ji ! Com­ment résis­ter à une bouille pareille ?

Il était une fois Boj­ji, un jeune prince au grand cœur mépri­sé par ses proches à cause de ses han­di­caps : sourd, presque muet et au corps ché­tif. Il ren­contre un jour une étrange créa­ture qui, tou­chée par sa géné­ro­si­té, lui offre sa loyau­té et devient son pre­mier ami. Mais accu­lé par la mala­die de son père et les ambi­tions de son frère, Boj­ji doit bien­tôt se lan­cer dans une quête extra­or­di­naire afin de prou­ver sa valeur et de pro­té­ger son trône et son royaume.

Nous voi­ci plon­gés dans un uni­vers de légende. Si le pre­mier épi­sode fait direc­te­ment réfé­rence au conte des Habits neufs de l’empereur d’An­der­sen, la suite du récit dévoile des ins­pi­ra­tions variées issues de contes euro­péens, de légendes moyen-orien­tales et de mythes asiatiques.

« Hé le prince ! Pour­quoi t’es tout nu ? »

L’his­toire elle-même reprend exac­te­ment les codes du conte de fée clas­sique, ain­si que les arché­types de per­son­nages les plus cou­rants : le jeune et faible héros qui doit faire ses preuves, son frère ambi­tieux et mépri­sant, le père roi modèle mais affai­bli par l’âge, la belle-mère vicieuse, tout un bes­tiaire de créa­tures étranges avec les­quelles le héros par­vient (ou non) à s’al­lier, etc.

Et pour­tant, loin de res­ter sur les sen­tiers bat­tus, le scé­na­rio s’a­muse à déjouer les attentes des spec­ta­teurs et à dénouer les ficelles les plus connues. Notam­ment, il revi­site et moder­nise une thé­ma­tique fré­quente dans les contes de fée tra­di­tion­nels : la dua­li­té des per­son­nages. La série joue autant sur le contraste entre l’ap­pa­rence phy­sique et la per­son­na­li­té, que sur le déca­lage entre les actions d’un per­son­nage et ses intentions.

Un jeune prince admi­rant son royaume.

Le per­son­nage de Boj­ji en lui-même repré­sente le mieux ce trait : faible mais avec des capa­ci­tés insoup­çon­nées, exclu et moqué par ses pairs, mais tou­jours atten­tion­né et géné­reux. Le héros typique en appa­rence, mais avec sa part d’ombre et de sur­prises. Et il est loin d’être le seul. Au fur et à mesure des épi­sodes, le récit mul­ti­plie les points de vue et les flash-back, dévoi­lant les dif­fé­rentes facettes des per­son­nages, leurs inten­tions et leurs ques­tion­ne­ments. Au spec­ta­teur alors de recol­ler les mor­ceaux et de recons­truire la chro­no­lo­gie de cette his­toire mer­veilleuse, au cœur d’un monde bien plus vaste et com­plexe qu’il n’y paraît.

Mal­gré une intrigue com­plexe et bien menée, le récit finit néan­moins par s’es­souf­fler un peu au cours du der­nier quart de l’his­toire. De plus, si les arcs de Boj­ji et Kage sont ache­vés au terme de l’a­ni­mé, plu­sieurs sous-intrigues demeurent sans réso­lu­tions, encore ouvertes aux déve­lop­pe­ments. Heu­reu­se­ment, le cli­max et l’é­pi­logue de la série se révèlent à la hau­teur de ses ado­rables et sur­pre­nants héros.
Le résul­tat : une ode à la dif­fé­rence et à l’ac­cep­ta­tion sous la forme d’une fresque épique et réjouis­sante, avec son lot de tra­gé­dies et de combats.

Des batailles éprou­vantes, pas­sées et à venir.

Impos­sible de par­ler de Ran­king of Kings sans par­ler aus­si de ses qua­li­tés gra­phiques. Cette fois encore, le stu­dio WIT³ a fait un excellent tra­vail. Tendre et expres­sif, le cha­ra-desi­gn s’har­mo­nise par­fai­te­ment avec l’am­biance de la série. Son aspect enfan­tin per­met de tem­pé­rer les images les plus vio­lentes et de racon­ter les scènes les plus tra­giques, sans renon­cer à la bien­veillance imma­nente de la série. Il per­met éga­le­ment de mettre en scène des monstres ter­ri­fiants, sans pour autant deve­nir hor­ri­fique, et de jouer avec les phy­siques impro­bables des nom­breux personnages.
À l’ar­rière-plan, les décors placent l’his­toire dans un uni­vers lumi­neux, fée­rique et intem­po­rel,  esquis­sés par des traits estom­pés et des cou­leurs douces qui per­mettent de mieux mettre en avant nos héros.

Un mot éga­le­ment sur l’ex­cellent cas­ting de la série. La pres­ta­tion de la dou­bleuse de Boj­ji, Mina­mi Hina­ta, est par­ti­cu­liè­re­ment remar­quable : limi­tée aux sons de voyelle, elle par­vient à expri­mer les émo­tions de notre prince avec jus­tesse, et même à le rendre com­pré­hen­sible par le spec­ta­teur au bout de quelques épi­sodes (pour des phrases courtes du moins). Un exploit d’au­tant plus mar­quant qu’elle n’exerce que depuis 2020 et que Boi­ji est son pre­mier rôle principal !
Face à elle, l’ex­pé­ri­men­té Ayu­mu Mura­se² prend un plai­sir évident à dou­bler Kage (Ombre, en fran­çais), le bizarre et meilleur allié du jeune prince qui parle sou­vent pour eux deux.

Dès leur ren­contre, Kage est sous le charme de Bojji.

Sur le Net, la série a beau­coup été com­pa­rée aux films du stu­dio Ghi­bli, notam­ment pour son uni­vers fan­tas­tique et l’ab­sence de mani­chéisme des per­son­nages. Mais à mon humble avis, c’est dans la musique com­po­sée par MAYUKO4 que se trouve le paral­lèle le plus évident. L’in­fluence de Joe Hisai­shi5 est fla­grante dans cer­tains mor­ceaux, et de manière plus géné­rale, dans la déli­ca­tesse de la com­po­si­tion. Tour à tour émou­vantes, drôles ou inquié­tantes, les mélo­dies sou­lignent avec jus­tesse les actions et les émo­tions des per­son­nages. Les géné­riques de la série ne sont pas en reste, de petites pas­tilles de bonne humeur aux qua­li­tés autant gra­phiques que musicales.
Pour les ama­teurs, vous pou­vez retrou­ver l’in­té­gra­li­té des musiques de la série sur you­tube, dans une play­list dédiée.

Dif­fu­sé d’oc­tobre 2021 à mars 2022, Ran­king of Kings a été l’ex­cel­lente sur­prise que per­sonne n’a vu venir. Plé­bis­ci­tée sur la toile, elle a même per­mis au web­man­ga ori­gi­nal de sor­tir en ver­sion papier. En France, l’é­di­teur Ki-oon a sor­ti le pre­mier tome le 7 avril dernier.

Une bonne nou­velle pour ter­mi­ner ? La fin de l’a­ni­mé étant ouverte et le man­ga tou­jours en cours, on peut espé­rer un jour une suite à l’a­ven­ture. Et ça, ce serait vrai­ment très chouette !

Les géné­riques aus­si valent le coup d’œil ! Ici, une image du pre­mier ending.

1 Par­mi les ani­més récents issus de web­man­ga, on peut citer One Punch ManReLIFE ou encore The Ida­ten Dei­ties Know Only Peace.
2 Ayu­mu Murase est connu notam­ment pour les rôles de Iru­ma Suzu­ki (Iru­ma à l’é­cole des démons) et Shouyou Hina­ta (Hai­kyuu!!).
3 Créé en 2012, WIT Stu­dio s’est immé­dia­te­ment fait connaître grâce au suc­cès de L’At­taque des Titans. Le stu­dio tra­vaille sur des pro­jets très variés et s’oc­cupe actuel­le­ment de l’ex­cel­lente adap­ta­tion de Spy x Fami­ly.
4 MAYUKO, éga­le­ment connue sous le pseu­do­nyme Yumao, est com­po­si­trice et arran­geuse de musique de films, ani­més et jeux vidéo. Elle a éga­le­ment sor­ti plu­sieurs albums de musiques originales.
5 Sérieu­se­ment ? Joe Hisai­shi est, entre autre, le com­po­si­teur des musiques de tous les longs métrages de Hayao Miya­za­ki. (Si vous ne savez pas qui est Hayao Miya­za­ki, par curio­si­té, vous débar­quez de quelle planète ?)

Titre : Ran­king of Kings
Titre VO : 王様ランキング / Ousa­ma Ranking
Réa­li­sa­tion : Yosuke Hatta
Artiste ori­gi­nal : Sosuke Toka
Scé­na­rio : Taku Kishimoto
Musique : MAYUKO
Stu­dio : WIT Studio
Genres : Aven­ture, Conte
Dis­tri­bu­teur : Crunchyroll
Durée : 23 épi­sodes de 24 minutes
Pre­mière dif­fu­sion : 15 octobre 2021
Synop­sis : Dans un monde où les rois sont clas­sés entre eux, le jeune prince Boj­ji com­mence en bas de l’échelle. Naïf, sourd et frêle, son peuple ne compte pas sur lui pour faire briller le royaume. Mais sa ren­contre avec Ombre, monstre de bas étage au grand cœur, va allu­mer en lui une petite étin­celle de cou­rage. À deux tout devient pos­sible, y com­pris faire grim­per Boj­ji jusqu’en haut du clas­se­ment des rois !

Ajouter un commentaire

Suivez Hanashi !

Le Collectif Hanashi est présent sur les réseaux ci-dessous, suivez-nous pour être au fait de toutes nos activités.