Hanashi

Ma Petite Femme, ou la romance coquine pour jeunes filles

Si le shô­jo est défen­du corps et âme par une suf­fi­sante par­tie des médias et influen­ceurs, j’ai la nette impres­sion qu’ils concentrent leurs efforts sur les nom­breuses richesses qu’offrent cette caté­go­rie édi­to­riale, et non sur la défense même du man­ga fémi­nin. C’est pour cette rai­son que des titres plus clas­siques dans leur construc­tion, ceux dépei­gnant sans autre pré­ten­tion qu’une simple his­toire d’a­mour rose bon­bon entre deux ado­les­cents, sont sou­vent mis de côté. Ces man­gas ne sont-ils pas suf­fi­sam­ment nobles à leurs yeux (ou ceux de leurs lec­teurs), pour eux ?
Pour­tant, c’est typi­que­ment le genre de man­ga que j’af­fec­tionne et que je déses­père de ne pas suf­fi­sam­ment voir repré­sen­tés. C’est pour cette rai­son que j’ai envie de vous pré­sen­ter un de mes der­niers petits coups de cœur : Ma Petite Femme.

Il s’a­git actuel­le­ment du seul man­ga de Airi Sano sor­ti chez nous, aux édi­tions Soleil Man­ga. Depuis ses débuts pro­fes­sion­nels en 2010, sa car­rière est pro­li­fique. Après un prix rem­por­té avec son his­toire courte nom­mée wata­shi ga koi­shi­cha dame­de­su ka, l’au­trice est en contrat avec Sho­ga­ku­kan pour le maga­zine Sho-Comi1, où elle y narre prin­ci­pa­le­ment des his­toires d’a­mour dans un cadre sco­laire. En ce moment, elle planche sur jin­gi naki muko­to­ri, racon­tant le quo­ti­dien d’une fille de yaku­za amou­reuse d’un autre chef de clan.

Ma Petite Femme, c’est l’his­toire d’une jeune fille de 16 ans pleine d’en­train nom­mée Hina­ta Naka­ga­wa. Veillant au vœu de son grand-père décé­dé quelque temps plus tôt, elle accepte de ren­con­trer le gar­çon qui lui est pro­mis : son fian­cé issu d’une bonne famille. Van­té comme sérieux, quelle est sa sur­prise lors­qu’elle se rend compte qu’il s’a­git d’un gosse de riche de 15 ans, plus petit qu’elle, et doté d’un sale carac­tère ! Tom­be­ra t‑elle sous son charme juvénile ?
Les deux ado­les­cents confron­te­ront leurs sen­ti­ments avec la décou­verte de la sexua­li­té, thé­ma­tique très pré­sente dans l’œuvre.

Le ton est don­né dès les pre­mières pages : une comé­die roman­tique entraî­nante où deux âmes aux mœurs oppo­sées vont apprendre à s’ai­mer. Dès lors, on com­prend que l’ob­jec­tif du récit n’est pas de savoir s’ils vont finir ensemble à la fin, mais plu­tôt la manière dont la jeune Hina­ta va tom­ber amou­reuse de Zen, ce fameux fian­cé issu d’un mariage arran­gé. Pour y arri­ver, de nom­breuses péri­pé­ties cou­tu­mières au genre met­tront à l’é­preuve leurs sen­ti­ments : de nou­veaux pré­ten­dants pour désta­bi­li­ser le couple, réflexions autour de la suc­ces­sion fami­liale, com­plots, etc. Au fur et à mesure, la pas­sion grimpe entre les deux tour­te­reaux, et nous atten­dons impa­tiem­ment le moment où ils fini­ront enfin par unir leurs corps.

Il ne faut sur­tout pas sous-esti­mer la repré­sen­ta­tion de la sexua­li­té dans Ma Petite Femme, car cette com­po­sante est pré­sente dans la majo­ri­té des cha­pitres, et donne tout son charme à l’œuvre. Zen est un gar­çon inex­pé­ri­men­té vivant dans sa bulle bour­geoise depuis son enfance, il pense qu’en plus d’of­frir de jolis cadeaux à sa fian­cée, les gali­pettes sous les draps sont indis­pen­sables pour faire d’elle sa pro­mise. Hina­ta n’est logi­que­ment pas d’ac­cord, et le lui fait savoir lorsque ce der­nier se montre trop entre­pre­nant. Petit à petit, ils vont apprendre à com­mu­ni­quer leurs envies, leurs besoins, pour une rela­tion des plus saines.

En pre­nant un peu de recul, on peut se poser la ques­tion de la repré­sen­ta­tion éro­tique au sein du public visé par ce man­ga. En France, une cou­ver­ture rose bon­bon sans aver­tis­se­ment expli­cite laisse pen­ser que le jeune public, éco­lier notam­ment, pour­rait s’a­ven­tu­rer à feuille­ter les pages. J’en fais part en intro­duc­tion de l’ar­ticle, le manque de cou­ver­ture média­tique de ce genre de man­ga peut ame­ner à une mécon­nais­sance du sujet, et à des recom­man­da­tions mal­adroites. Aspi­rons-nous vrai­ment à lais­ser nos chères têtes blondes consom­mer des his­toires où la sexua­li­té est le fil rouge du récit, sans contrôle de notre part ? Le débat est ouvert.

Ce ques­tion­ne­ment s’est déjà posé du côté du Japon, en 2006 plus exac­te­ment. Une polé­mique éclate : plu­sieurs maga­zines, dont le Sho-Comi, sont dans le col­li­ma­teur des ins­ti­tu­tions pour une sur­re­pré­sen­ta­tion du sexe dans leurs pages. On y trou­vait par exemple l’embarrassant Prince Ele­ven (dis­po­nible chez Kuro­ka­wa), bien trop désin­volte dans sa repré­sen­ta­tion de scènes de viol. Un sujet trop vaste pour être trai­té pré­ci­sé­ment dans cet article.

La cou­ver­ture du Sho-Comi pour la publi­ca­tion du der­nier cha­pitre du manga.

Avec ses per­son­nages mignons et char­mants à la fois, ses situa­tions rigo­lotes et déca­lées, son gra­phisme réus­si et un décou­page effi­cace, on passe un super moment le long des 11 volumes de Ma Petite Femme. Au Japon, ils ne s’y sont pas trom­pés, car plus de 1.5 mil­lions de volumes reliés ont trou­vé pre­neurs. Les plus jeunes (à par­tir du col­lège) seront émous­tillés par ces amou­rettes rocam­bo­lesques, et les plus vieux appré­cie­ront la légè­re­té des situa­tions. N’hé­si­tez pas !

1 — Le Shô­jo Comic, abré­gé en Sho-Comi, est un maga­zine de pré­pu­bli­ca­tion de man­ga créé en 1968 par Shô­ga­ku­kan. On y trouve de grands noms comme Yû Watase ou Kei­ko Takemiya.

Pour aller plus loin :
— Le site offi­ciel du man­ga : sho-comi.com/category/sano_airi_001/
Deux articles en anglais sur la polé­mique de la repré­sen­ta­tion du sexe dans le shô­jo manga :
On Modern Shou­jo Man­ga and Sex: Exces­sive Sexual Mate­rial in Shou­jo Man­ga and Magazine
A His­to­ry of Sho­jo, Loli, and Harm­ful Books

Titre : Ma Petite Femme
Titre VO : オレ嫁。~オレの嫁になれよ~ / Ore Yome. — Ore no Yome ni Nare yo
Autrice : Airi Sano
Genres : Comé­die, Romance
Édi­teur : Soleil Man­ga (France)
Nombre de volumes : 11 (ter­mi­né)
Pre­mière publi­ca­tion : Août 2014 à Mars 2017

Synop­sis :
Pour cer­tains, l’a­mour est un long fleuve tran­quille. Mais pour Hina­ta, la vie de couple est par­tie pour être un long par­cours d’obs­tacles ! Hina­ta Naka­ga­wa, ses 16 ans révo­lus, va enfin ren­con­trer l’homme qui lui a été pro­mis. Selon les dires, il est riche, gen­til et à peine plus âgé qu’elle. Il est en fait plus jeune d’une année, a mau­vais carac­tère et est plus petit qu’elle. Mais en appre­nant à le connaître, elle découvre un gar­çon com­plexe et atta­chant. Pour autant, leurs noces ne seront pas aus­si pai­sibles que prévu.

Dareen

Président du Collectif Hanashi.

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